J'ai cotisé, donc j'y ai droit !

Une illusion tenace d'après Michel Godet, prospectiviste

Faux, répond Michel Godet, prospectiviste et professeur au Conservatoire national des arts et métiers (CNAM) dans un livre récent consacré au choc démographique de 2006 et à ses conséquences (1). Conséquences dont les Français ont encore peu conscience, notamment sur les retraites. En fait, ils sont en pleine illusion. Celle de vivre la répartition comme une pseudo-capitalisation. Comme si la société engrangeait leurs cotisations pour leur rendre à l’âge de la retraite. Erreur ! Car, lorsque vous cotisez, ce n’est pas pour vous et vos cotisations ne sont pas mises de côté. Elles sont immédiatement dépensées pour les autres. C’est le principe de la solidarité entre les générations. Bien différent de la capitalisation. En 2006, 850 000 personnes, nées en 1946, vont quitter le marché du travail. Une réforme de notre système de retraite s’impose. Plusieurs autres pays de la Communauté européenne l’ont déjà effectuée notamment en demandant aux mieux lotis de faire les efforts les plus importants. Il faut donc s’attaquer aux inégalités flagrantes. D’abord, les régimes spéciaux qui constituent, en France, un véritable privilège : leurs bénéficiaires cotisent moins longtemps, perçoivent plus et vivent plus vieux que les salariés du privé. Ils représentent 5% des pensions versées pour seulement 2% des cotisations. Ainsi, les agents d’EDF ou de la SNCF profitent d’une situation injuste : leur retraite est payée par le contribuable. La situation des fonctionnaires, ensuite. Non seulement leurs retraites représentent 75 % de leurs traitements, contre 65 % dans le privé. Mais encore, elles sont en moyenne supérieures de 24 % à celles du privé. Et de 30 à 40 % supérieures à celles des artisans et commerçants. Dernière inégalité, enfin : celle de l’espérance de vie. Celle d’un ouvrier est de dix ans inférieure à celle d’un cadre. Le système actuel opère ainsi un transfert vers les catégories socioprofessionnelles supérieures. La réforme à mener serait de tenir compte de l’espérance de vie pour le calcul des cotisations et des pensions. La Suède l’a fait, instaurant ce que les assureurs appellent la neutralité actuarielle. Mais réduire les inégalités ne suffit pas. Il faut aussi faire de nouveaux cotisants, c’est-à-dire selon la formule d’Alfred Sauvy, faire des bébés qui feront les retraites de demain. Or, en France, si une femme travaille vingt ans au lieu de quarante, elle ne touchera qu’un quart de sa retraite. Elever des enfants ne serait-il pas un vrai métier ? Que l’on devrait reconnaître comme tel ? Encore matière à réflexion ! (1) Le choc de 2006, Editions Odile Jacob, 300 pages, 21,50 €.

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