Les retraités dans la ligne de mire de Bercy

Le gouvernement ne supprimera pas l’abattement de 10 % sur les retraites, comme le voulait l’Inspection générale des finances. Mais jusqu’à quand?

Les retraités l’ont – pour l’instant – échappé belle : à quelques mois de l’élection présidentielle, le gouvernement a refusé de suivre les recommandations du rapport de l’Inspection générale des finances (IGF), conseillant de supprimer l’abattement de 10 % (plafonné à 3 660 euros par foyer) sur les retraites pour le calcul de l’impôt sur le revenu. Mais cette proposition n’en est pas moins révélatrice des conceptions fiscales de Bercy.
Nos grands argentiers avancent deux arguments pour justifier cette suppression : d’une part, les revenus des retraités seraient équivalents, voire supérieurs à ceux des actifs, il n’y aurait donc pas de raison qu’ils soient moins imposés et d’autre part, l’abattement de 10 % ne répondrait pas à « un objectif de redistribution ».
Ces (mauvaises) raisons appellent plusieurs observations.
· Prétendre que les retraités gagnent autant ou davantage que les actifs relève de la fiction. Selon l’Insee, en 2008, 10 % des ménages de retraités gagnaient à peine plus que les ménages actifs. 90 % gagnaient moins. Par ailleurs, comment comparer les revenus d’un retraité ayant toute une carrière derrière lui avec ceux d’un jeune actif exerçant un premier emploi ?
En réalité, les retraites du privé ne cessent d’être rognées : entre 1993 et 2009, le taux de remplacement (niveau de la retraite par rapport au dernier salaire d’activité) a baissé de 5 à 9 % chez les employés bénéficiant d’une retraite à taux plein, et de 13 à 17 % chez les cadres.
· Quant à l’aspect « redistributif » de l’impôt : selon les fonctionnaires de Bercy, les prélèvements n’ont pas seulement pour but d’assurer le fonctionnement de l’Etat et l’équilibre du budget, mais aussi d’organiser la société sur un modèle égalitaire. Le fisc ne veut voir qu’une tête – rasée de préférence. Il s’en prend donc une fois de plus aux classes moyennes.
Certains retraités perdent cependant moins que les autres en quittant leur travail : les fonctionnaires partent avec 75 % – voire 80 % par le jeu des bonifications – de leur dernier salaire, amélioré par le « coup du chapeau » : une promotion accordée six mois avant le départ. Et ces retraites sont garanties à 100 % par l’Etat ! Si l’Etat cherche réellement à économiser sur les retraites, il devrait d’abord réformer le régime spécial des fonctionnaires.
Heureusement, pour l’instant le gouvernement n’envisage pas de donner suite aux propositions de l’IGF et maintient l’abattement de 10 %. Mais les gouvernements passent et les fonctionnaires demeurent… Face à Bercy, la vigilance s’impose.

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