Seniors : l'emploi est au point mort

Pour Jacques Bichot, économiste et professeur à l'Université Lyon III, si l'objectif de la loi Fillon était de booster l'emploi des seniors, il n'est pas atteint aujourd'hui.

La loi retraites d’août 2003 avait pour objectif de « booster » l’emploi des seniors, c’est-à-dire des personnes âgées de 50 ans (ou 55 ans, selon les définitions) à 65 ans. De l’augmentation de la proportion de seniors ayant un emploi devait résulter l’allongement de la durée de la vie active, laquelle devait apporter une contribution essentielle à l’équilibre financier de nos régimes de retraite. Quelques années ont passé : il est désormais possible de voir où l’on en est de la réalisation de cet objectif.
L’INSEE vient justement de publier une étude[1] qui permet de faire le point. D’après l’enquête emploi, la meilleure source en la matière, entre 2004 et 2006 le taux d’activité (personnes ayant un emploi ou en recherchant un) a imperceptiblement augmenté pour la tranche d’âge 55 ans – 64 ans, mais diminué de 59 % à 58,4 % pour la tranche d’âge 50 – 64.
Le taux d’emploi (proportion des personnes ayant réellement un emploi) a évolué de la même manière : diminution de 55,4 % à 54,9 % pour la tranche d’âge [50 – 64]. Le taux de chômage, lui est resté constant à 6 %, un taux modeste par rapport au chômage de l’ensemble de la population (8,8 % en 2006 comme en 2004).
Taux
Moyenne 2004
Moyenne 2006
Activité [50-64]
59,0 %
58,4 %
Activité [55-64]
43,4 %
43,5 %
Emploi [50-64]
55,4 %
54,9 %
Chômage [50-65]
6,0 %
6,0 %
Pour les fonctionnaires, particulièrement concernés par la réforme de 2003, « un premier état des lieux des effets de cette réforme sur leurs comportements, réalisé par le ministère du budget et de la fonction publique, montre qu’elle a pour l’instant eu peu d’impact. »[2] En effet, la légère augmentation de l’âge moyen de départ à la retraite pour les « actifs » (autorisés à partir dès 55 ans) pourrait tenir principalement au désir des instituteurs devenus « professeurs des écoles » d’atteindre le nouvel indice maximal, nettement plus élevé, auquel ils peuvent désormais prétendre. Des policiers se trouvent dans un cas analogue. Quant aux « sédentaires » (deux tiers des effectifs), leur âge moyen au départ diminue d’un mois, suite notamment aux possibilités de départ anticipé pour « carrière longue ».
Au total, la réforme de 2003 n’a pas engendré d’économies à ce jour, mais au contraire des dépenses supplémentaires, du fait principalement des dispositifs de départs anticipés pour « carrière longue » : c’est ce que montre l’accélération du total des dépenses de retraites en France en 2004, 2005 et 2006 par rapport aux trois années antérieures. L’ensemble des pensions de base a en effet augmenté au rythme moyen de 2,8 % pour les trois années précédant l’entrée en vigueur de la loi de 2003, tandis que ce taux est passé à 4,9 % pour les trois années suivantes. Le tableau ci-dessous, qui reprend les chiffres fournis par la DRESS (Direction de la recherche, des études, de l’évaluation et de la statistique du ministère des affaires sociales)[3], précise les évolutions annuelles d’où proviennent ces moyennes.
Périodes
2001/2000
2002/2001
2003/2002
2004/2003
2005/2004
2006/2005
Montants
2006
Pensions de base
+ 4,3 %
+ 0,1 %
+ 3,9 %
+ 5,0 %
+ 4,5 %
+ 5,3 %
137,7 Mds €
Pas d’effet sur l’allongement de la durée de la vie active, mais un renchérissement du coût des retraites, est-ce bien là ce qui convient pour « sauver nos retraites », comme prétendaient le faire les auteurs de la loi retraites de 2003 ?

[1] INSEE Première n° 1164, novembre 2007.
[2] Les Echos, 14 novembre 2007. Les données qui suivent proviennent d’une étude du service des pensions du ministère du budget, « Les comportements de départ observés dans la fonction publique d’Etat suite à la réforme de 2003 », publiée en septembre 2007.
[3] Etudes et Résultats, n° 604, oct. 2007.

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