Pension de réversion : le gouvernement fait machine arrière !

La mobilisation de Sauvegarde Retraites et le tollé général des syndicats salariés ou patronaux sur la condition de ressources ont fait reculer le gouvernement sur la réversion façon loi Fillon. Jean-Pierre Raffarin a supendu partiellement l'application du décret et confié le dossier au COR qui rendra son avis à la fin de l'année. En attendant, la suppression des conditions d'âge, de mariage et de remariage reste valable.

La loi Fillon affirmait, dans son préambule, vouloir introduire plus d'équité entre les Français. Bel exercice de style ! Car la pension de réversion qu'elle a modifié, et dont le décret d'application a été récemment publié*, prouve exactement le contraire. Et c'est pour cela qu'elle a suscité notre colère comme celle des syndicats, y compris patronaux, et des associations de défense des retraités. Cette unanimité a fait reculer le gouvernement qui a suspendu temporairement et partiellement l'application du décret et confié le dossier au COR (Conseil d'orientation des retraites) pour avis. Mais la prudence s'impose. En effet, en supprimant les conditions d'âge (55 ans), de durée minimale du mariage (2 ans) et de non remariage pour les veufs ou veuves de salariés du secteur privé (mesures qui ne sont pas supprimées), le ministère des affaires sociales semble très généreux. Il affirme que 200 000 à 300 000 personnes pourraient être concernées par ces nouvelles mesures. Bel exercice de rhétorique, car, en réalité, ces personnes ne satisferaient sûrement pas à l'ultime condition qui change tout : le plafond de ressources ! Lequel a été fixé, depuis le 1er juillet 2004, à 15 828 euros par an pour une personne seule et 25 326 euros pour une personne remariée ou vivant maritalement. En effet, le décret incriminé a modifié le calcul des ressources personnelles du conjoint survivant. Et ce sont elles qui déterminent s'il touchera ou non une pension de réversion du régime général. Le changement majeur - qui soulève une colère unanime - concerne la prise en compte des pensions de réversion des régimes complémentaires Agirc et Arrco. A partir du 1er juillet 2006, celles-ci seraient intégrées à « toutes les ressources personnelles » du conjoint survivant, à côté de son salaire ou de sa retraite personnelle (Cnav + Arrco + Agirc), et de ses revenus mobiliers et immobiliers personnels, communs, ou issus de la succession. Cette innovation aurait pour conséquence d'écarter de la pension de réversion du régime général entre 1/6ème et un tiers de la population des veufs ou des veuves (qui sont actuellement 2,32 millions en France). Autre sujet d'inquiétude et de révolte : les ressources personnelles devraient être périodiquement contrôlées par la Cnav à partir du 1er juillet 2006. Attention ! Ces contrôles ne concerneraient pas les personnes qui ont touché une pension de réversion avant le 1er juillet 2004 et sont à la retraite. Pour celles qui en touchent une et sont à la retraite depuis cette date, il y aurait contrôle, mais on n'intégrerait pas les pensions de réversion complémentaires dans leurs ressources personnelles. Enfin, dans ce sombre tableau, une nouvelle rassurante : les pensions de réversion complémentaires versées par l'Agirc et l'Arrco continueront d'être versées dans leurs conditions habituelles : 60 % de la retraite complémentaire du conjoint décédé, à partir de 55 ans pour l'Arrco, de 60 ans, pour l'Agirc, et sans condition d'âge s'il y a des enfants. Il y aurait donc des veufs et des veuves qui ne toucheraient pas la réversion du régime général, mais percevraient la réversion des régimes complémentaires !!! Cette véritable usine à gaz va à l'encontre de l'exposé des motifs de la loi Fillon qui souhaitait introduire plus d'équité, de transparence et de clarté dans les retraites en France. Non seulement, elle est très compliquée dans son application. Mais encore, elle introduit un facteur d'incertitude pour les veufs et veuves qui verraient leurs ressources périodiquement contrôlées. Enfin, et c'est le plus grave, elle dénaturerait gravement le principe contributif des cotisations retraite. Elle transformerait la réversion du régime général en minimum social, ce qui est proprement révoltant ! Et puis, ne l'oublions pas, comme elle ne concerne absolument pas les fonctionnaires, ce minimum social serait supporté par les salariés du privé qui, une fois de plus, iraient jouer les dindons de la farce… Sauvegarde Retraites se félicite de la suspension partielle de l'application du décret par le Premier Ministre, tout en attendant avec circonspection les conclusions du rapport du COR, et suit le dossier avec la plus grande vigilance. *Publié au J.O. du 25 août 2004


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